La corporalité selon saint Thomas

Bernardo Bazán

pp. 369-409

La définition aristotélicienne de l'âme comme forme substantielle ou acte premier de la substance vivante implique, dans le cadre de l'hylémorphisme, que son corrélat ontologique est la matière première, dont la potentialité radicale lui permet d'être support de l'acte premier. C'est ce rapport d'acte premier à puissance radicale qui assure au composé son unité foncière, mais il implique aussi que toutes les déterminations substantielles du composé proviennent de son principe formel : l'âme. Cette conception n'a pas été conservée dans sa pureté par les commentateurs d'Aristote. L'influence du néoplatonisme et des préoccupations de nature religieuse ont réintroduit diverses formes de dualisme anthropologique, où la substantialité du corps est assurée par la présence d'au moins une forme substantielle indépendante de l'âme, la forme de corporéité. L'effort de Thomas vise à rendre à l'hylémorphisme sa portée originale. La critique thomiste du dualisme substantiel et du pluralisme de formes permet de récupérer la notion d'une relation transcendantale entre forme substantielle et matière première. Une conséquence fondamentale de ce redressement est que la corporéité, en tant que détermination substantielle (et non pas en tant qu'accident quantitatif) ne peut avoir d'autre source que la forme substantielle, principe unique d'actualité dans l'ordre de la substance. Dans le cas de l'homme ce principe est l'âme intellective. C'est donc à elle que l'être humain doit d'être substance corporelle : corporeitas, prout est forma substantialis, non est aliud quant anima rationalis.

Publication details

Full citation:

Bazán, B. (1983). La corporalité selon saint Thomas. Revue philosophique de Louvain 81 (51), pp. 369-409.

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