167000

(2013) Appareil 12.

Éléments pour une anthropologie de l'homme en mouvement

Muriel van Vliet

En deçà du linguistic turn, qui réduit abusivement le langage à ses seules dimensions représentative et discursive et court ainsi le risque de tomber dans l’écueil de l’« intellectualisme », et au-delà de l’iconic turn, qui, par réaction, déconstruit tellement le sujet créateur et acteur que le domaine de l’éthique s’en trouve dangereusement ébranlé, avec la menace de sombrer cette fois-ci dans l’écueil de « l’esthétisme », l’anthropologie de l’homme en mouvement proposée conjointement par Cassirer et Warburg ouvre la possibilité d’une troisième voie pour le discours sur l’art, replacé dans le cadre d’une théorie de la culture plus globale d’où une nouvelle conception du sujet peut émerger. Sur le modèle des enquêtes ethnologiques centrées davantage sur le rituel que sur le mythe écrit, tous deux perçoivent originairement l’image comme l’expression (Ausdruck) polarisée d’affects opposés, et cela avant même de l’envisager aussi comme la présentation (Darstellung) de valeurs, motifs ou idées que l’artiste comme le spectateur peuvent davantage mettre à distance d’eux que ne l’autorise le niveau expressif pur du rituel magique. Selon cette anthropologie, art et pensée mythique participent à un processus culturel complexe qui les déborde ; la technique, les sciences, l’histoire, le droit, etc. interférant constamment pour former des aires relationnelles de projection où s’entre-écrivent différents langages, la mise en évidence des points de basculement d’une aire à une autre permettant de fournir les éléments d’un diagnostic critique.Cette « science générale de la culture comme théorie de l’homme en mouvement » se développe selon trois axes intrinsèquement liés qui organiseront notre propos. Elle est à un premier niveau une sémiotique des images, le schéma corporel fonctionnant comme médium symbolique originaire pour créer et recréer les images perçues. À un deuxième niveau, elle enracine continuellement le processus de création du sens des images dans une symbolisation rituelle. Enfin, elle implique à un dernier niveau une Kulturkritik ou, pour le dire autrement, comme c’est aussi le cas de manière emblématique chez Foucault, elle ouvre sur un « diagnostic critique » implicite qui met au jour le pouvoir de l’image en exhibant les points critiques où le principe d’un groupe de transformation d’images se modifie.

Publication details

DOI: 10.4000/appareil.1983

Full citation:

van Vliet, M. (2013). Éléments pour une anthropologie de l'homme en mouvement. Appareil 12, pp. n/a.

This document is available at an external location. Please follow the link below. Hold the CTRL button to open the link in a new window.